J’espère qu’il va pleuvoir pour ton anniversaire

La grande place de Biarritz est presque vide. 

En ce mois d’août, celui d’un bel été pourtant, l'insomnie me consume l’énergie et les passants sont plus dévêtus qu'autrefois. Le café est aussi amer que dans mon souvenir. Deux palmiers plantés en face de moi me dévisagent, sagement, devant des bâtiments dont j'avais oublié la candeur. Jadis, je connaissais par cœur ces grands blocs de pierre, mélange d'élégance hexagonale et d'architecture basque. Il n'est plus là, est-ce vraiment utile de le préciser. Ma plus belle douleur, cela fait bien quelques printemps que je le hais par raison. 

Me voilà de nouveau seule, assise à une table mal nettoyée en terrasse d'un vieux bistrot, m’abîmant de nouveau en pensant à notre première rencontre, un peu plus de huit années après qu’elle ait eu lieu. Il ne m’avait pas adressé la parole. Notre premier baiser survint quelques mois plus tard lors d’un heureux hasard contre un mur gris. Il portait une capuche sur la tête, j’avais des paillettes. Après cette nuit, son prénom a pris trop d’importance dans ma vie.

Tout était bon à prendre, pourvu que j’oublie, ne serait-ce qu’en surface, la souffrance éprouvée chacune des journées où je me résolvais à supporter son absence. 
Au début, je me distrayais dans la perversité des substances. Je ne les ai jamais aimées. 
Le travail vint en second. Ça aide à oublier, le travail. 
Et, bien évidemment, je trouvais refuge avec d’autres hommes. Jamais l’un d’entre eux n’a osé prétendre égaler ces deux grands iris obscurs depuis lesquels je distinguais, autrefois, chaque parcelle du monde s’offrant à tous mes sens. Il arrivait que je me surprenne à me questionner sur l’exactitude de leur couleur. 

La pluie et le beau temps n’y changeront rien. Je me tiendrai ici et là, maquillant tant bien que mal l’âpre saveur d’une histoire dont je ne sortirai jamais toute entière. On dit de cette douce maladie qu’elle ne guérit qu’avec le temps. Je ne connais que trop peu le fruit de ses vertus guérissantes.

J'ai été heureuse sur ces pavés.