Ceci n’est pas une histoire d’amour

Les textes qui suivent sont de très courtes histoires et poèmes écrits à propos de différentes aventures amoureuses plus ou moins mémorables.


1

Je veux une chambre sous les toits pour fumer sous les étoiles
et dormir avec toi une nuit par semaine 
le nom de ta rue te correspond bien mal 
quand je ferme les yeux, les tiens me reviennent

Je préfère mes ongles et mon parfum dans ta voiture
tes regards évasifs et ces silences qui durent
les vieilles chansons de Brassens que sifflote le voisin
la peau douce de tes bras, 30° degrés le matin 

Les taxis, la tequila, les mots qui se cassent, les idées
la musique, les cafés froids et quelques baisers volés 
la dixième lettre de l’alphabet, un brin de jalousie
plein de défauts, c’est faux, c’est la tienne aussi

Tant d’espoir et pourtant ! Ce chagrin animal
je veux une chambre sous les toits pour mourir sous les étoiles. 


2

C’est l’histoire de la rue Milton, la seule rue de toute cette grande ville où j’ai versé des larmes publiquement et c’est une histoire importante car ce jour-là, j’ai pris une mauvaise décision face à la peur de la solitude. 
Ce jour-là s’appelait dimanche. L’auteur de cette querelle existentielle refoulée en maladie d’ego - et non pas d’amour, comme disent les gens chiants - portait un prénom qui lui convenait assez bien. Il était gentil avec tout le monde et le reste du temps, il dormait. 
Je me dirigeais à pieds vers l’appartement de mon amie Clara quand les moulins de mon coeur se sont mis à tourner vite. Ils s’épuisaient. Enfant, je me souviens avoir pleuré très fort le jour où je suis tombée à trottinette, de l’autre côté du port de Saint-Jean-de-Luz, là où vivent les gens. Maman m’avait offert ses bras jusqu’à la maison, où elle avait soigné la plaie sur mon genou gauche au mercurochrome. Elle calmait mes sanglots grâce à une voix douce, affectueuse, qu’elle prenait parfois. La cicatrice est encore bien visible aujourd’hui. 
Près d’une décennie plus tard, la vie m’a fait mal en me frappant. Je marchais dans la rue. Le soleil avait envie de briller, il se cachait derrière les nuages. Il n’y avait plus personne pour m’aider à me relever ce jour-là. Je suis une grande fille maintenant, je ne peux plus compter que sur moi-même et je me blesse seule, sans trottinette. 
De mon côté du trottoir, anesthésiée par une autre nuit blanche, je m’ennuyais. Je croyais naïvement, à l’époque, avoir ce garçon dans la peau, mais lui pensait différemment. Il n’y avait presque personne dehors, la tristesse hantait cette foutue rue en pente, brûlant mes cils et perlant sur mon visage. 


3

Il me déplaisait aussi bien dans son appartement sans lumière que dans son regard sans vie. 


4

J’ai perdu l’appétit quand j’ai pris l’avion.
Mon corps est ici, mon coeur est chez toi. Quelque part au sommet d’un château. 
Je te respire quand je ferme enfin les yeux, tard dans la nuit. Le monde est vide quand je les ouvre à nouveau. Je fais semblant de sourire mais j’aimerais m’asseoir une dernière fois sur ton vélo, des marguerites plein les poches. 


5

Je rêve de toi 
à travers des pages 
que tes iris paysages 
ont parcouru avant moi

Ton prénom a remplacé 
la vacuité des matins 
par la beauté de tes grains 
et ce goût de liberté 

Pour que je tombe dans l’herbe, et non pas dans le métro 
un jour les pommes roulaient comme des perles sur ta peau 

Il n’aura suffi que de ta drôle de voix perdue dans l’écho  
d’une nuit sur ta bouche avec quelques coquelicots. 


8

L'amour est une magnifique illusion, la plus belle de toutes. Un splendide mensonge qui donne réellement l'envie d'exister pour toujours, le bonheur étant finalement possible. Ce n’est jamais qu’une manière de croire qu'on ne va peut-être pas vivre seul toute notre vie, en fin de compte. Ça alimente un vide, ce n'est rien d'autre que du vent. On ne tombe pas amoureux d'une personne, on tombe amoureux d'une présence. Naïvement, on s'y habitue jusqu'à ce que cette présence nous devienne indispensable à en crever. En réalité, on s'habituerait à la présence de n'importe qui pourvu que n'importe qui nous convienne personnellement, culturellement, socialement, affectivement et /ou, sexuellement. C'est bien la preuve que l'on ressent de l'amour non pas pour une personne, mais pour la capacité que l'autre possède de rassurer nos silencieuses angoisses, de nous faire sentir aimé. C'est malheureusement faux, il ne m'aime pas. Il m’apprécie, mais il n’aime rien d’autre de moi que ma façon de lui faire oublier la mort et le désespoir existentiel qui rôde au-dessus de nos têtes. 


9

Il a l’air plus heureux que moi. Ou plus heureux d’être malheureux que moi. 
Et ça me rend malheureuse parce que j’aimerais bien qu’il soit comme moi.